Principes d'aménagement des habitats fauniques

 

Les propriétaires de lots boisés souhaitant aménager leur terre pour la faune, notamment pour les espèces de gibier, se retrouvent souvent face à des informations contradictoires quant aux meilleures façons de procéder. Entre les aménagements de foresterie peu adaptés aux besoins de la faune et les principes d’écologie parfois difficiles à mettre concrètement en application, il peut être ardu de s’y retrouver. Cet article présente quelques principes à garder en tête lorsqu’on souhaite aménager pour la faune et avoir des résultats concrets et durables.


 

Mise en contexte

Aménager un territoire pour la faune ou pour la chasse est une expérience enrichissante pour tout propriétaire terrien. Les principes de foresterie et les principes d’écologie diffèrent souvent, cependant. Bien que l’on puisse avoir une approximation des besoins des espèces pour lesquelles on souhaite aménager, certains principes presque universels aident à s’assurer que les aménagements portent fruit à court, moyen et long termes. Le présent article offre un survol de quatre principes utiles pour les aménagements fauniques.

 

Valeur monétaire ne veut pas dire valeur faunique

Beaucoup de propriétés québécoises sont aménagées au moins en partie à des fins de sylviculture ou d’acériculture. Les aménagements associés à ces activités sont un bon moyen de rentabiliser monétairement une terre à bois. Cependant, si l’on souhaite favoriser la faune pour la chasse ou pour d’autres raisons, ces aménagements sont rarement utiles à cet effet.

On pourrait presque affirmer que la valeur faunique d’un milieu forestier est inversement proportionnelle à sa valeur monétaire. En effet, une plantation de conifères ou une érablière ouverte n’abritent pas une grande diversité faunique au courant de l’année. En comparaison, un peuplement dense ou broussailleux, un sous-bois difficilement navigable et des espèces ligneuses sans valeur en foresterie sont souvent d’une beaucoup plus grande valeur pour la faune. 

 

 

Identifier ses besoins

Avant de commencer à planifier l’aménagement d’une partie de sa propriété pour la faune, il faut d’abord identifier ses besoins. Est-ce qu’on aménage pour la chasse ou pour l’habitat? Pour quelles espèces? De quelle superficie dispose-t-on? Dans un cas comme dans l’autre et peu importe l’espèce ciblée et la superficie à aménager, il importe d’identifier les besoins fauniques à combler.
Les deux besoins principaux que l’on puisse combler avec des aménagements fauniques sont la nourriture et le couvert. Une propriété peut déjà être adéquate pour l’un de ces besoins, mais avoir un manque important pour l’autre. Comment aménager pour combler ces besoins dépend évidemment de l’espèce ciblée, mais aussi de ce qui est déjà disponible sur la propriété.

Dans un contexte où la nourriture est peu abondante ou ne comble pas entièrement les besoins de l’espèce, on peut commencer par identifier quels types de nourriture est présente et quels types sont manquants. Pour notre exemple, prenons le cerf de Virginie. Dans une forêt bien ouverte, sans sous-bois et sans lisière avec un milieu ouvert, le brout sera en faible quantité. Dans un tel cas, ouvrir la canopée afin de permettre à la lumière d’atteindre le sol permettra aux semences dans la litière et aux jeunes semis (de feuillus, mais pas du hêtre) de pousser et offrir une source de brout pour quelques années. La repousse herbacée offrira également une quantité appréciable de nourriture tant que la lumière sera suffisante pour la soutenir. 

Dans un cas où le brout est abondant, il peut être pertinent d’ajouter d’autres sources de nourriture, comme des arbres fruitiers ou à noix. Selon le type de milieu, des pommiers, poiriers, pruniers ou encore des chênes pourront ajouter une valeur additionnelle à la propriété pour le cerf.

 

 

En termes de couvert, les besoins varient d’un milieu à un autre. En milieu ouvert, comme en milieu agricole, des pochettes de couvert dense sont d’un grand intérêt. Quelques conifères ou encore une pochette arbustive peuvent suffire. En milieu plus forestier, les blocs de couvert sont préférables. Une petite superficie de conifères denses ou un sous-bois avec une bonne strate arbustive sera plus approprié que des pochettes. C’est d’ailleurs afin de créer des conditions similaires que les fameux « hinge cut » sont utilisés. L’important est que le couvert horizontal soit suffisant opaque pour obstruer la vue. Les bordures sont d’un grand intérêt également. Par exemple, la bordure entre un champ ou une route et un milieu forestier offre une bonne opportunité de créer un habitat faunique. On peut y créer une plantation étagée d’arbres de sous-étage, d’arbustes tolérants à l’ombre, d’arbres et d’arbustes fruitiers, et d’espèces herbacées pour y créer un habitat linéaire qui offre nourriture et couvert.

 

Qu’est-ce que le « hinge cut » ?

Le « Hinge cut » ou la « coupe en charnière », c’est couper à moitié ou au trois quarts un arbre, normalement un feuillu, afin de le faire tomber tout en le gardant attaché par une partie de l’écorce pour le garder en vie. Cette tige couchée demeure ainsi vivante pendant quelques années et fournit du couvert latéral et du brout aux cervidés. La pratique cause nécessairement une chaise de barbier lorsque l’arbre tombe, il faut donc être particulièrement prudent lors de l’opération.  

 

 

Structure versus composition d’habitat

Pour aménager un terrain dans le but d’améliorer l’habitat, il importe de savoir en quoi consiste l’habitat de l’espèce ciblée. Pour s’y retrouver, faire la différence entre la composition de l’habitat et sa structure est aidant. Prenons pour exemple la gélinotte huppée. Un des arbres les plus importants pour cette espèce est le peuplier faux-tremble. Planter quelques peupliers dans un champ ne fera pas de différences pour la gélinotte sur une propriété. Pourquoi? Bien que ce cet arbre fasse partie de la composition idéale de l’habitat de cette espèce, l’habitat de la gélinotte comporte également une structure particulière. Dans ce cas-ci, une mosaïque de peuplements forestiers de différentes espèces et classes d’âge.
Il faut donc éviter ce que j’appelle les « arbres de collection » ou la « checklist », soit planter quelques arbres qui sont bénéfiques pour une espèce, mais ne pas les intégrer à un aménagement qui présente la structure d’habitat de l’espèce. Il importe donc de comprendre d’abord les besoins en habitat pour l’espèce visée dans l’ensemble avant de tenter d’aménager pour la favoriser.

 

Rendre son terrain compétitif pour la chasse

Quand on souhaite aménager spécifiquement pour la chasse, sans nécessairement aménager pour le cycle de vie complet du gibier visé, par manque d’espace ou pour d’autres raisons, certaines choses aident à rendre son terrain compétitif par rapport à celui de ses voisins. Comme mentionné plus tôt, il faut notamment identifier les besoins du gibier, mais également, ce qui est offert dans les environs. 
Si on chasse le cerf de Virginie sur une propriété entourée de vergers, planter des pommiers pourrait ne pas nécessairement être le meilleur choix d’aménagement. Au même titre, planter des chênes, qui produisent des glands en quantité qu’au bout de quelques décennies et durant une courte période de la saison, n’est pas nécessairement suffisant en soi. Parfois, simplement avoir quelques pochettes de couvert en milieu agricole peut faire la différence. Ultimement, il n’y a pas de formule magique, il faut comprendre les besoins à combler pour rendre son terrain compétitif.

Pour donner quelques exemples, des poiriers (de variétés tardives) ou pruniers peuvent complémenter la plantation de pommiers dans un secteur où le cerf a déjà accès à beaucoup de pommes. Dans un secteur forestier éloigné de l’agriculture, un petit champ nourricier ou une friche agrémentée de quelques arbres fruitiers offrira un avantage énorme vis-à-vis des voisins qui chassent avec un appât. En milieu agricole, une pochette de couvert dense ou un corridor faunique qui relie un boisé à une source de nourriture mettra le cerf plus à l’aise qu’un appât en bordure de champs.

 

 

Guide des espèces ligneuses à intérêt faunique

Le Bureau d’Écologie Appliquée est actuellement en train d’élaborer un guide sur les espèces ligneuses qui présentent un intérêt pour la faune. Le guide présentera les espèces ayant un grand intérêt pour le cerf de Virginie, l’orignal, l’ours noir, le dindon sauvage ainsi que d’autres espèces. Le guide est destiné aux propriétaires terriens, aux organismes de conservation et à n’importe qui souhaitant planter des arbres ou arbuste chez lui dans le but de favoriser la faune. La date de publication du guide n’est pas encore déterminée. Demeurez à l’affût du lancement au courant de la prochaine année.

 


En savoir plus

Contactez le Bureau d’Écologie Appliquée par courriel, infos@coop-ecologie.com, ou visitez leur site Internet à l’adresse  : www.coop-ecologie.com

 

 

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