Pourquoi certaines arbres coulent-ils au printemps et à l'automne lorsqu'on les entaille?


Ils sont quelques-uns à nous offrir leur eau sucrée aux mi-saisons. Les érables sont les plus célèbres pour cela, mais il y a aussi les bouleaux et les noyers entre autres. Somme toute, la circulation de l’eau dans le tronc d’un arbre sans feuille reste un phénomène inhabituel chez les arbres. 


 

LA PRESSION CHEZ L’ÉRABLE

En période estivale, l’eau circule dans les arbres grâce à la transpiration des feuilles. Mais sans cette force exercée par la transpiration au printemps et à l’automne, l’arbre doit générer de la pression autrement pour provoquer des mouvements d’eau dans son tronc. Chez l’érable, la pression est générée par la présence d’air dans les fibres, des cellules mortes participant à la résistance du bois. Cet air se comprime l’hiver sous l’effet d’une mince pellicule de glace qui se forme sur la paroi de la cellule. Lors des épisodes de dégel, la pellicule de glace fond et l’air comprimé reprend de l’expansion avec la chaleur, expulsant ainsi l’eau en dehors de la cellule. L’effet combiné de l’air qui reprend sa place dans toutes les fibres de l’arbre, ou qui se comprime à nouveau suivant les cycles de gel/dégel, est responsable du mouvement d’eau qu’on observe à l’intérieur du tronc en période sans feuille. Il s’agit du mécanisme principal chez l’érable, mais d’autres espèces fonctionnent autrement (voir l’encadré).

 

ÇA SERT À QUOI?

Au printemps, cette aptitude permet de réparer les dégâts causés par l’hiver. En effet, le plus gros danger qui guette les arbres durant l’hiver est ce qu’on appelle l’embolisme ; la présence de bulles d’air qui entravent les vaisseaux responsables du transport de l’eau. Ces bulles d’air se forment avec le gel, puisque l’air est soluble dans l’eau, mais pas dans la glace. Donc, avec la formation de glace dans certaines cellules de l’arbre, l’air insoluble se regroupe sous forme de bulles ce qui menace la circulation de l’eau au retour des températures clémentes. Toutefois, en exerçant une pression dans leur tronc, les espèces qui coulent au printemps parviennent à dissoudre presque complètement ces bulles d’air et ainsi à restaurer la circulation de l’eau. C’est un peu comme si vous aviez un tuyau dans lequel l’eau ne circule plus à cause d’une bulle d’air qui brise la colonne d’eau. Vous pourriez envoyer un jet d’eau sous pression à l’intérieur du tuyau pour forcer l’air à se dissoudre et restaurer la libre circulation de l’eau. C’est le même principe chez nos arbres! Et heureusement pour nous, les mouvements d’eau causés par ce mécanisme nous permettent de récolter l’eau sucrée nécessaire à la production de sirop. 

 

 

AUTRES STRATÉGIES

Les espèces qui coulent au printemps sont donc les championnes de la réparation des bris hivernaux. Par opposition, les autres espèces d’arbres ne parviennent pas à réparer l’embolisme et misent sur des stratégies différentes pour protéger leur système hydraulique en période de gel. Par exemple, les espèces au bois poreux, comme les chênes, les ormes et les frênes, abandonnent complètement leurs vaisseaux embolisés pour produire rapidement de nouveaux vaisseaux qui prendront le relais au printemps. Quant aux autres espèces à pores diffus, comme les peupliers, elles misent plutôt sur l’évitement du problème en produisant des vaisseaux si petits que l’air s’y regroupe moins durant l’hiver. 

 

ET L’AUTOMNE DANS TOUT CELA?

À l’automne, l’avantage du mécanisme n’est pas aussi clair. Il est connu que l’arbre se déshydrate juste avant l’hiver probablement pour protéger ses tissus du gel. Les bûcherons vous le confirmeront, le bois est plus sec lorsqu’on le coupe en hiver. Mais par quel processus les arbres parviennent-ils à diminuer leur taux d’humidité avant la saison froide? Ceci est peu documenté dans la littérature scientifique. Il n’est pas exclu que les mouvements d’eau dans le tronc à l’automne causés par la pression interne puissent avoir un rôle à jouer puisqu’une certaine quantité d’eau quitte les racines lors des épisodes de dégel suivant un gel. 

 

PERSPECTIVES

Bien que l’acériculture se pratique depuis plus de trois siècles, il est étonnant de constater à quel point les processus qu’elle sous-tend restent méconnus. Ceci est d’autant plus vrai pour les espèces qui ne sont pas exploitées commercialement, mais qui coulent tout de même au printemps et à l’automne. Qu’est-ce qui rend chaque espèce unique par ses mouvements d’eau, ses taux de sucre, son anatomie du bois et le mélange de toutes ses composantes? Nous sommes présentement en train de conduire une étude qui permettra de documenter en profondeur, jusqu’au niveau cellulaire, les différentes composantes de ce processus chez plusieurs espèces. Il s’agit d’une expérience non destructive qui requiert simplement d’infliger une entaille à l’arbre, une blessure légère qui devrait se refermer dans les années subséquentes. Si vous possédez une terre à bois et désirez participer au projet, n’hésitez pas à me contacter. Nous cherchons bien sûr des espèces communes (érable à sucre, érable rouge, bouleau jaune, bouleau à papier et bouleau gris), mais surtout des espèces moins communes qui sont plus difficiles à localiser sur le territoire. Il s’agit des caryers, des noyers, du charme de Caroline, de l’ostryer de Virginie et de l’érable argenté (en milieu naturel). Un minimum de cinq individus doit se trouver sur le site. En espérant pouvoir vous livrer plus de secrets sur le sujet dans les années à venir! 

 


 

 

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