Le martelage : comment garder les bons arbres?


Chers acériculteurs, n’avez-vous jamais eu ce difficile choix de couper un érable ? Vous cherchiez lequel enlever alors qu’ils vous semblaient tous en santé. Comment faire pour choisir les meilleurs érables d’avenir? L’acériculteur averti sait qu’un érable avec une bonne croissance offre un bon potentiel de coulée; or la croissance d’un arbre est directement liée à sa vigueur et à la quantité de ressources auxquelles il a accès (eau, air, lumière et minéraux). Découvrez dans cet article ce qu’est le martelage, son histoire, puis son importance dans un contexte acéricole.


 

Tout d’abord, le nom « martelage » découle des marteaux forestiers utilisés pour marquer les arbres. En France, l’origine du martelage remonte au XIIe siècle. Les marteaux forestiers étaient alors principalement utilisés pour marquer les arbres destinés à la construction de navire. Il existait plusieurs marteaux forestiers : le marteau royal, celui des arpenteurs, celui des agents de la marine… Le côté tranchant du marteau enlevait l’écorce et l’autre servait à marquer l’arbre en frappant l’aubier dégarni. Plus près de nous, les grands pins blancs du Nouveau Monde étaient marqués afin de devenir des mâts de navires britanniques. Aujourd’hui, le martelage se fait avec de la peinture.

Afin de bien comprendre le martelage au Québec, il faut regarder un peu l’évolution de la sylviculture des érablières. Dans les années 1960 à 1980, la coupe à diamètre limite était la norme dans les érablières non exploitées (sans récolte d’eau d’érable). Cette coupe visait essentiellement à prélever les plus beaux sujets et à laisser les autres sur pied. Cela a eu un effet très néfaste pour le développement des érablières. On désignait parfois cette coupe sous le nom « écrémage », car les sujets mal formés héritaient de la place dominante dans le peuplement, ce qui réduisait la qualité du peuplement.

Afin de corriger cela, le nouveau régime forestier de 1987 a intégré la coupe de jardinage dans nos pratiques sylvicoles, ce qui a aussi impliqué la notion de rendement soutenu. C’est-à-dire que l’on coupait périodiquement une certaine quantité d’arbres (ex. : 25 % dans une érablière exploitée) en prenant soin de laisser suffisamment d’arbres de grosseurs différentes pour avoir une récolte soutenue au fil des années.

De 1990 à 2000, environ 660 000 ha de coupe de jardinage ont été réalisés dans le domaine de l’État. Un mécanisme de suivi a ensuite été mis en place pour évaluer les résultats de ces coupes. Il s’est avéré que seulement 40 % d’entre elles ont atteint les rendements attendus. La première cause était un taux de mortalité plus élevé que prévu dans les cinq années suivant la coupe. Une étude produite par le Centre d’enseignement et de recherche en foresterie de Sainte-Foy a souligné le phénomène de subjectivité lors du martelage. Si un marteleur choisissait un arbre à enlever et qu’un autre marteleur en avait martelé un autre juste à côté, idem pour un troisième marteleur, il était possible que ce soit parce que les fondements diagnostiques n’étaient pas très établis. Il était difficile d’obtenir des rendements équivalents à la recherche dans une si grande subjectivité. Notre connaissance sur les indices de carie des arbres devait s’améliorer; le système de classification MSCR a ainsi réalisé ses premières études préliminaires. Ce système visait à prévoir la mortalité des arbres dans un horizon de 25 ans, ce qui correspond à un intervalle moyen entre les récoltes des forêts du domaine de l’État.

Plusieurs arbres et plusieurs forêts ont été diagnostiqués; des arbres ont été coupés pour mesurer la carie réelle par rapport aux défauts visibles. Des arbres ont aussi été suivis chaque année, et ce, dans plusieurs forêts du Québec. Dans le début des années 2000, le système de classification MSCR a passé une étape importante : les résultats dans quatre sites expérimentaux ont montré des rendements prometteurs. 

Ce type de martelage s’est ensuite démocratisé dans les forêts du domaine de l’État pour poursuivre sa lente progression dans la sylviculture des forêts privées. Pour marteler en forêt publique, il faut une carte de compétence, soit une carte de marteleur certifié. Celle-ci n’est délivrée qu’à la suite de la réussite d’un examen théorique de 60 minutes et d’un examen pratique en forêt où l’apprenti marteleur doit classer environ 300 arbres dans une durée de trois heures. Le seuil de passage fixé à 85 % assure une grande qualité des marteleurs.

Le guide La carie des arbres, fondements diagnostic et application, écrit par Bruno Boulet et publié pour la première fois en 2005, répertorie les défauts qui affectent la vigueur d’un arbre en huit catégories. À chacun de ces défauts est attribuée une priorité de récolte (MSCR). Cette priorité de récolte est à titre indicatif, car certains impératifs opérationnels, économiques ou écologiques peuvent faire modifier légèrement le choix de tiges.

 

 

Par exemple, un arbre qui a des blessures d’alimentation faites par le grand pic se voit attribuer la priorité de récolte M. Alors qu’une blessure d’alimentations par les autres pics-bois a la priorité de récolte S, un arbre avec une vieille blessure au pied datant d’une exploitation forestière à l’aide d’une débusqueuse à câble peut avoir une priorité de récolte M, selon les facteurs aggravants présents. Ceux-ci font référence à la présence de pourriture et à sa profondeur, à la hauteur du défaut ou parfois à la longueur et à la largeur du défaut. Certains autres facteurs comme le dépérissement en cime ou l’angle du défaut peuvent influencer le diagnostic.

Pour conclure sur l’importance du martelage dans son contexte acéricole, je soulignerais que tous les acériculteurs aimeraient avoir des « grosses couleuses », c’est-à-dire des arbres en bonne croissance avec un potentiel de coulée supérieur, car leurs cernes sont plus larges et donnent plus d’eau. Lorsque la densité de l’érablière commence à être trop élevée, la coupe partielle, peu importe la variante appliquée (car il en existe vraiment beaucoup), permet de recréer des conditions de croissance optimale. Le martelage joue un rôle important, car les érables ayant une priorité de récolte M sont plus à risque de mourir sur pied ou de casser d’ici le prochain renouvellement de la tubulure. S’ils sont laissés sur pied, vous ne bénéficierez pas d’un gain de croissance, donc de coulée, car ces arbres sont voués à mourir. Certains défauts sont plutôt discrets, ils peuvent pourtant déclasser rapidement à S ou à M selon les facteurs aggravants. L’image suivante montre un de ces facteurs que l’on croise souvent dans les érablières entaillées. D’autres défauts ont l’air graves, mais en réalité, ils ne sont que peu dommageables.

 

 

En faisant marteler votre érablière par un marteleur certifié, vous vous assurez ainsi d’une plus grande qualité des travaux. Le MFFP tient à jour un registre des marteleurs certifiés de la province à l’adresse suivante : mffp.gouv.qc.ca/les-forets/services-entreprises-et-organismes/martelage/.

Le marteleur s’assure de l’intensité du prélèvement. Par exemple, si le prélèvement visé est de 25 %, il martèle en conséquence et répartit le prélèvement à l’échelle du peuplement tout en maintenant une bonne quantité d’essence compagne. Cela permet à tous les arbres résiduels de bénéficier d’un surplus de ressources, au lieu que le prélèvement soit concentré dans une seule section. Un bon martelage est gage d’une bonne croissance qui à son tour est gage d’une bonne coulée. Le marteleur, c’est le sculpteur à l’œuvre, mais le choix du traitement sylvicole repose sur les épaules de l’ingénieur forestier. 

 

Devenir marteleur ou acériculteur vous intéresse? Le Centre de services scolaire des Hauts-Cantons offre plusieurs formations en acériculture ou en aménagement de la forêt.
 


En savoir plus 

Pour en savoir plus sur les formations offertes, contactez l’auteur par courriel : gabriel.grenier@cshc.qc.ca

Consultez la liste des formations offertes à l’adresse suivante : www.legranit.cshc.qc.ca/fr/programmes.php
 

 

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