Aménagement d’une érablière : quels érables conserver?


Les érables coulent tous, c’est un constat indéniable. Toutefois, ce ne sont pas tous les érables qui sont de « grosses couleuses ». Avant d’installer ou de changer son réseau de tubulure, un aménagement acérico-forestier est recommandé afin de maximiser sa production, mais aussi d’améliorer la santé de son érablière. Cet article présente les principaux défauts à surveiller qui affectent la vigueur et la productivité d’un érable. 


 

Principes de base

La quantité de sève que peut fournir un érable est déterminée par plusieurs facteurs, dont le type de sol, la quantité d’eau disponible, les variations de température, la taille de sa cime et sa vigueur. Les trois premiers éléments sont hors de notre contrôle. Les deux derniers peuvent être travaillés par l’acériculteur pour en tirer avantage. Un érable productif est un arbre dont la cime est large et garnie de feuilles en été. Cela lui permet de produire et de stocker une grande quantité de sucre pour le printemps suivant. Un érable chétif, dont la cime est opprimée par ses voisins, ne sera pas en mesure de produire la même quantité de sève sucrée. La vigueur, quant à elle, accentue la capacité de l’arbre à croître et à se remettre de ses blessures. L’érable parfait a donc une grande cime bien garnie ainsi qu’une santé lui permettant de perdurer dans le temps. 

Au fil de leur vie, les arbres sont soumis à diverses perturbations qui viennent affecter leur développement, causant ainsi des défauts qui diminuent leur productivité. Ce sont ces défauts qu’il faut être en mesure d’identifier pour cibler les érables à abattre avant l’installation de la tubulure. 

 

Principaux défauts

Les principaux défauts impactant la productivité d’un érable se répartissent en quatre grandes catégories, soit :

  • Les champignons;

  • Les maladies;

  • Les fentes;

  • Le dépérissement en cime.

 

 

Les champignons

Le champignon de carie provoque généralement de la pourriture dans l’arbre et progresse jusqu’à la mort de son hôte. En plus de causer de la pourriture, ce type de défaut diminue drastiquement la vigueur de l’arbre qui concentre désormais son énergie à se défendre et à survivre plutôt qu’à croître. C’est ce qu’on appelle le phénomène de compartimentation qui consiste à isoler la zone affectée du restant de l’arbre pour minimiser les dégâts. C’est le même phénomène qui se produit lors de l’entaillage. C’est pourquoi il est recommandé d’utiliser un patron d’entaillage afin d’éviter les zones compartimentées qui sont dorénavant stériles. Malheureusement, la compartimentation est peu efficace contre des assaillants aussi virulents que les champignons de carie. L’arbre est donc en combat constant. C’est pourquoi il en résulte une baisse de la production de sève. De plus, si le champignon se trouve dans la zone d’entaillage, le risque de créer une fuite sur le réseau est considérable et le potentiel de coulée risque d’être nul.

Cependant, ce ne sont pas tous les champignons qui provoquent de la carie! Certains d’entre eux se fixent uniquement sur l’écorce et ne causent que très peu de dommage à l’arbre. Pensons notamment aux pleurotes qui apparaissent au printemps et flétrissent à l’automne. Contrairement aux champignons de carie, qui eux, sont présents toute l’année sur l’arbre et sont considérés comme « persistants ». Le plus commun des champignons de carie est certainement l’Oxyporus populinus (figure 1). Cette espèce de croûte blanche, souvent recouverte de mousse, s’attaque principalement aux érables. Plus le champignon occupe de place sur l’arbre, plus la pourriture est répandue à l’intérieur.

Les érables atteints par ces champignons de carie sont voués à dépérir et mourir. Cependant, il est difficile d’émettre une date de péremption aux arbres puisque la progression des champignons peut varier selon de nombreux facteurs. Il est toutefois recommandé de procéder à l’abattage des arbres affectés puisqu’ils seront éventuellement moins productifs et risquent potentiellement de contaminer leurs voisins.

 

 

Les maladies

Les maladies qui affectent les érables se présentent principalement sous forme de « chancre », qui est la blessure causée par la maladie. Les deux chancres les plus populaires dans les érablières du Québec sont le chancre nectrien (chancre en cible) et le chancre eutypelléen (tête de cobra) (figure 2). Le chancre est une portion de l’arbre ravagée où le bois est exposé. Si ce dernier est sec et sain, la situation de l’arbre peut être considérée comme stable puisque la compartimentation a été efficace. Cependant, si la pourriture s’y est installée, on peut supposer le pire. Si le défaut se trouve dans la zone d’entaillage, les considérations seront les mêmes que les champignons. Ces maladies se propagent de la même façon que les champignons et s’attaquent à des arbres vulnérables souvent déjà blessés au préalable. Le trou d’entaille constitue une porte d’entrée suffisante. Il faut donc être vigilant et surveiller les érables dont les trous cicatrisent lentement. C’est un indice très révélateur de la vigueur de l’individu.

 

 

Les fentes

Les fentes ne sont pas provoquées par un champignon ou une maladie, mais peuvent leur servir de porte d’entrée. Une fente peut être occasionnée par une blessure mécanique, comme une torsion causée par un fort vent ou une fourche arrachée par le verglas. Il en résulte une blessure que l’arbre s’efforce de refermer, encore une fois, en compartimentant la zone et en créant du nouveau bois par-dessus la fente. La fente en elle-même restera toujours ouverte dans l’érable, ce qui peut créer une fuite lors de l’entaillage. Il s’agit d’être vigilant et de s’éloigner de la zone fendue. Ce genre de blessure devient problématique lorsque la pourriture s’en mêle. On considère que la vigueur de l’arbre est affectée lorsque la pourriture atteint 5 cm de profondeur. Une vérification rapide peut être faite à l’aide d’un couteau de poche. La pourriture peut être causée par un champignon ou un chancre. En effet, il n’est pas rare que les défauts s’additionnent sur un même érable et le condamnent malheureusement à l’abattage. Toutefois, si la fente semble saine et si elle cicatrise bien, il se peut que le pire soit évité. 

La fente, si elle est saine, n’a que peu d’impact sur la coulée si elle se trouve en hauteur. Il faut cependant rester à l’affût et vérifier si un facteur aggravant, comme une maladie, n’est pas venu s’y installer entre deux saisons des sucres.

 

 

Le dépérissement en cime

La quantité de feuilles produite par un érable est un des facteurs principaux qui influence sa production de sève. Moins les feuilles sont nombreuses, moins la coulée sera abondante. Cet élément s’évalue difficilement lors de l’entaillage. C’est en plein été qu’il faut faire une tournée de son érablière et cibler les individus dont les cimes sont clairsemées. Lorsque plus de 50 % de la cime est disparue, on peut considérer que l’arbre est en survie et accorde beaucoup moins d’énergie à sa croissance et à la production de sucre. D’autant plus que les feuilles d’un arbre sont l’équivalent humain de l’oxygène et de la nourriture. Sans ces deux éléments, l’espérance de vie d’un individu est vite compromise. Il en va de même pour les arbres, qui vont diminuer leur production de feuille en tout dernier recours. Un arbre dont la cime est peu dense est littéralement rendu « au bout du rouleau »! Il aura tenté par tous les moyens de se défendre face à un champignon ou une maladie qui le ronge de l’intérieur. Le dépérissement en cime est le signe que l’arbre est en voie de perdre son combat.

 

 

C’est pourquoi ce sont ces érables qui doivent être ciblés en premier lors d’un aménagement, bien avant un arbre seulement chancré ou attaqué par un champignon, car ceux-ci ont encore un certain potentiel exploitable pour une période indéterminée. Contrairement à un érable dépérissant, qui lui, est en fin de course.

 

Pour conclure

Maintenant que vous êtes en mesure d’identifier les érables à éliminer, il faut tout de même faire preuve de prudence! Parfois, on peut tomber sur une section d’érablière lourdement affectée où une majorité de tiges serait à prélever. Le jugement est alors de mise. Seuls les pires individus devraient être abattus dans ce genre de situation. Une densité minimale de tige est à conserver en tout temps pour éviter d’autres problèmes, comme l’envahissement par la framboise ou les fougères qui, sur le long terme, viennent également affecter la capacité de produire. Il faut donc récolter avec parcimonie en visant toujours à améliorer, non seulement sa production, mais aussi la santé de son érablière.

 

 


 

 

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