Améliorer le drainage de nos érablières

Édition d'automne 2020 du Progrès Forestier 


Au cours des dernières années, nous avons eu l’opportunité de visiter plusieurs érablières. Les commentaires des producteurs acéricoles et les constats faits sur le terrain le confirment : le régime hydrique des sols dans les érablières s’est détérioré et les conditions de sol sont devenues de moins en moins propices à l’érable à sucre. Les racines des arbres sont immergées sur de longues périodes, causant un manque d’oxygène. Cette situation peut provoquer la mort des érables, ceux-ci n’arrivant pas à s’adapter au nouvel environnement dans le sol. 


 

Le régime hydrique se définit par des indicateurs de la durée des périodes annuelles pendant lesquelles le sol est saturé, humide, ou sec. Il est conditionné par la position topographique (inclinaison de la pente, forme du terrain et position sur le versant), la perméabilité du sol (texture, pierrosité, etc.) et l’assise rocheuse (géologie, structure, etc.), l’épaisseur du dépôt de surface, l’abondance et la régularité des apports d’eau (pluviométrie et écoulement), ainsi que par les niveaux atteints par la nappe phréatique. Dans un sol bien structuré, il doit avoir un bon pourcentage de pores (idéalement environ 50 % en volume du sol); la moitié de ces pores sont des pores qui contiennent de l’eau et la moitié sont des pores servant à la circulation de l’oxygène. Un manque d’oxygène dans le sol limite l’activité bactérienne et la minéralisation de la matière organique; il y a donc accumulation de cette dernière. Dans des sols très humides, il y a aussi perte d’azote par dénitrification.

L’érable à sucre n’est pas une plante qui aime avoir les racines dans l’eau. Il préfère les sols profonds et frais avec régime de drainage bon à modéré. Il tolère mal un régime de drainage subhydrique ou hydrique et devient donc plus susceptible de dépérir et d’être attaqué par les insectes ravageurs telle la livrée des forêts. Il est aussi très sensible aux inondations durant la saison de croissance. On constate que dans des conditions de sol toujours humide, les arbres dépérissent, en raison principalement d’un manque d’oxygène dans le sol, d’un manque de minéralisation de la matière organique et de la production de substances toxiques pour les racines, qui sont produites dans des conditions anaérobiques (sans oxygène). Dans ces conditions, les arbres développent leur système racinaire en surface et sont plus sensibles aux vents et au gel hivernal. Les sites plus humides sont aussi plus enclins à souffrir lors de périodes de sécheresse. Cela peut paraître paradoxal, mais lorsque les racines se développent seulement en surface, elles ne sont pas capables d’atteindre l’eau de la nappe phréatique, qui elle, a baissé lorsque des périodes de sécheresse surviennent. 

 

 

Mais pourquoi observe-t-on de tels changements dans le régime hydrique du sol? 

Voici quelques pistes de réponses :

  • Les précipitations orageuses sont en augmentation et se produisent sur de plus courtes périodes. Ainsi, il y a moins d’eau qui s’infiltre dans certains sols des forêts et plus d’eau qui ruisselle en surface. Cet excès d’eau s’accumule dans les baisseurs et dans les parties les plus basses du terrain, la présence des couches compactées dans le sol peut accentuer ce phénomène.

  • Les aménagements forestiers et les chemins ne sont pas toujours planifiés. Ces aménagements peuvent affecter le drainage naturel qui fonctionnait correctement auparavant.

  • Des ornières laissées par le passage de la machinerie peuvent affecter la circulation normale de l’eau en surface du sol. Ces ornières peuvent canaliser l’eau vers des endroits où elle n’allait pas avant, ou bien l’eau peut stagner sur place, créant une cuvette.

  • Plusieurs facteurs peuvent affecter la bonne circulation d’eau dans le sol et créer des sites plus humides, comme un mauvais aménagement ou la coupe d’espèces qui absorbent beaucoup d’eau du sol et qui ont une grande capacité d’évapotranspiration.

 

En forêt, on doit procéder toujours avec précaution, même lorsqu’on fait du drainage de surface. Comme mentionné précédemment, le système racinaire des arbres qui poussent dans des endroits humides se trouve plus en surface. L’objectif de faire du drainage de surface en érablière n’est pas d’abaisser la nappe phréatique, loin de là, car abaisser la nappe phréatique peut être plus néfaste que bénéfique, puisque les racines qui poussent en surface pourront être assoiffées ou bien souffrir de coups de chaleur pendant les mois d’été.

L’objectif de drainer une érablière est plutôt de canaliser l’eau de surface avant qu’elle n’arrive aux baisseurs. Pour y arriver, des petites rigoles d’environ un pied de profondeur sont construites. Ces rigoles seront perpendiculaires à la pente et auront une pente douce de moins de 1,5 % pour minimiser les risques d’érosion. Dans des zones à pentes fortes, il faut évaluer les risques potentiels d’érosion; il est préférable de creuser la rigole en zigzag afin d’empêcher que l’eau prenne de la vitesse et provoque de l’érosion. Quelques fois, des structures de conservation de sol devront être mises en place, comme des seuils ou des jutes enrochées; la stabilisation du sol à l’aide de roches et de géotextiles ainsi que l’ensemencent de plants adaptes permettront de stabiliser le sol et d’éviter l’érosion. La visite et le suivi de votre ingénieur forestier sont essentiels.              

En effet, votre ingénieur forestier possède la formation et les outils pour vous aider, comme des cartes de sol, des cartes de pentes (courbes de niveau ou LIDAR), des cartes de l’emplacement des milieux humides, des GPS et des niveaux laser. Il peut déterminer le bassin versant et par le fait même, la quantité d’eau qui pourrait se concentrer dans la rigole d’intersection ou le fossé u. Il peut aussi  vous indiquer l’emplacement des rigoles sur le terrain. Il faut procéder avec prudence et toujours se référer au Guide terrain, saines pratiques d’intervention en forêt privée écrit par Fillion et collaborateurs en 2005. 

Si vous exploitez une érablière en terre publique, vous devez engager un ingénieur forestier. Celui-ci vous accompagnera, fera un diagnostic et déposera des recommandations.  Par la suite, vous devez faire une demande d’autorisation de réalisation des travaux de drainage sylvicole à l’unité de gestion du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs de votre région.  Pour analyser la demande, un professionnel de ce Ministère pourrait se déplacer sur le terrain pour faire des constats avant d’autoriser vos travaux de drainage. Le permis indiquera des conditions particulières à respecter en complément aux normes du règlement sur l’aménagement durable des forêts. Ces normes peuvent porter, entre autres, sur le nombre et la dimension de bassins de sédimentation, leur entretien, la façon de réaliser les travaux, etc.

Tenez-vous vous loin des milieux humides; ce sont des endroits à protéger qu’il ne faut pas assécher ou perturber. Informez-vous auprès de votre MRC et du ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques avant la réalisation de travaux dans ces endroits, ainsi que lorsque le fossé va se déverser dans un cours d’eau, puisqu’il y a des considérations à prendre en compte, entre autres la confection des bassins de rétention de sédiments, ainsi que l’enrochement de la jonction entre le fossé et le cours d’eau.

Les aménagements de drainage de surface ne sont pas sans risque. En effet, il est possible que vous remarquiez un effet négatif sur quelques érables, car vous risquez de blesser les racines des arbres et créer une voie d’entrée pour des champignons. À cet effet, il est possible de minimiser le risque de blessures aux arbres en respectant une distance spécifique entre le creusage du canal et les arbres, soit de 12 cm de distance par centimètre de diamètre des arbres.  Il n’est donc pas nécessaire de toujours sacrifier des arbres pour sauver l’érablière grâce à une bonne planification sur le terrain du passage du canal de drainage.

 

 


En savoir plus

Consultez le Guide terrain, saines pratiques d’intervention en forêt privé au : www.afbf.qc.ca/DbImages/Documents/Guide_saines_pratiques.pdf

Consultez la note de recherche sur l’ Évaluation de la distance minimale à respecter entre une tranchée et les arbres pour éviter la perte de vigueur des érables dans les érablières au : www.mffp.gouv.qc.ca/documents/forets/connaissances/recherche/Note130.pdf

 

 

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