Articles printemps 2025

Jacques Bouchard est un passionné de la forêt. Avec sans cesse de nouveaux projets en tête, il s’investit chaque semaine à observer l’évolution de son boisé, à y récolter du bois et à planter des arbres pour assurer l’avenir de sa forêt. Pour lui, rajeunir sa forêt par des récoltes ciblées est le meilleur moment pour intégrer de nouvelles espèces. Apprenez-en plus sur ses objectifs et projets.  

Jacques Bouchard est originaire du Bas-du-Fleuve. Il a grandi en campagne au sein d’une entreprise agricole familiale. Il profitait de la nature, il bûchait avec son père l’hiver, mais à l’adolescence, sa famille a déménagé à Montréal. Ce fut un choc immense pour lui qui, précédemment, occupait son temps libre à pêcher, chasser et trapper. 

Il y a environ 35 ans, il a eu l’opportunité d’acheter un lot boisé avec sa conjointe à Saint-Anne-de-Larochelle en Estrie. En plus d’être un bon investissement, cela lui a permis de renouer avec ses premiers amours : la forêt, la faune et la chasse.  Depuis, il s’évertue à améliorer son boisé avec l’idée de le transmettre à ses filles plus tard. 

Son lot de 113 hectares est à ce jour passablement à maturité. Différents secteurs ont peu de régénération établie. C’est pourquoi son objectif est d’« essayer d’amener ma forêt à du renouveau [...] d’avoir de la nouvelle repousse, de rajeunir ma forêt. » Il ajoute : « je veux une forêt plus étagée en âge. » Il désire assurer la pérennité de sa forêt tout en la rendant attrayante pour la faune qu’il est heureux d’observer et de chasser. 

À l’origine, il ne pensait pas profiter de son lot aussi régulièrement, mais dès les débuts, puis graduellement, il s’est équipé. D’abord une scie à chaîne, puis un V.T.T., une chargeuse à bois, un petit camp confortable... Il passe de plus en plus de temps à son boisé. Aujourd’hui, alors qu’il est à la retraite, il consacre plusieurs jours par semaine à Sainte-Anne-de-Larochelle avant de revenir à Montréal. 

 

Sa vision de la foresterie

Pour M. Bouchard, « la forêt a une longue vie », mais « la forêt, ça bouge vite et ça bouge lentement aussi ». Il surveille donc ses forêts minutieusement. Chaque année, il sélectionne une part des arbres matures ou en déclin et les récolte de façon à maximiser le succès des arbres résiduels ou de ceux qu’il plante. Il tient à leur offrir les meilleures conditions de croissance possible et à maintenir une généreuse cime verte. 

Il est conscient que réaliser des coupes avec un faible taux de prélèvement dispersées sur sa propriété annuellement lui empêche parfois d’avoir accès à certaines aides financières qui exigent des taux de prélèvement précis, et ce, même si au final, les volumes cumulés sur plusieurs années ressemblent aux prélèvements classiques. Il tient néanmoins à faire les travaux à sa manière et à utiliser des équipements légers et de faible taille. Pour lui, c’est une méthode « plus proche de la nature ». 

Il souhaite que dans un avenir proche, l’offre de service des conseillers forestiers se diversifie davantage, surtout en termes de travaux légers utilisant des équipements mécanisés de faible dimension.

Il voit la forêt idéale comme un mélange de jeunes et de vieilles forêts, « comme un jardin qu’on cultive ». Chaque fois qu’il fait une intervention, il essaie d’améliorer ses techniques. Il se renseigne énormément. Il lit. Il suit le plus de formations possible. Il dit avoir le « goût inné de comprendre dans quoi il s’implique » et selon ses dires : « ça fait garder la passion » et ça permet de « gérer sa forêt de façon plus proactive ». 

 

Planter et diversifier sa forêt

Grâce à ses nombreuses lectures et formations, M. Bouchard se questionne depuis longtemps sur l’avenir de nos forêts face aux changements climatiques. Il y a une quinzaine d’années et peut-être même plus, il s’est mis à observer les espèces présentes dans les boisés américains qu’il visitait pour la chasse en se disant que ces espèces devraient pouvoir survivre sur sa terre avec le réchauffement climatique. Il a donc commencé à se procurer annuellement de jeunes arbres auprès de la pépinière de Berthierville et à les planter. Pensons au chêne rouge, au chêne à gros fruits, au noyer noir, au caryer cordiforme et au pin blanc. Ensuite, il a voulu élargir ses horizons avec des espèces additionnelles, non disponibles en pépinières gouvernementales, telles que le chêne bicolore, le chêne des marais et le châtaignier. Pour ce faire, il a acheté des semences et appris à produire ses propres arbres. 

Au fil des années, il a perfectionné sa technique de plantation. Conscient de l’omniprésence des cerfs sur sa propriété, il sait que ses arbres doivent être protégés d’une certaine façon pour survivre et grandir. 
 


L’abondance du cerf

M. Bouchard apprécie la présence du cerf dans son boisé, mais il voit de nombreuses jeunes pousses se faire brouter annuellement et être incapable de croître et devenir de grands arbres. Sachant que ses amis et lui récoltent entre six et huit cerfs par année lors de la chasse et qu’une forêt moyenne de la dimension de son boisé devrait naturellement contenir environ six cerfs au total, la population de cerfs locale surpasse définitivement la capacité de support du milieu et a le potentiel d’exercer une pression limitant la régénération de la forêt, soit une situation courante dans le sud du Québec.


 

Il plante ses arbres selon deux techniques. La première, sans être sa préférée en raison du travail qu’elle implique, est d’installer un protecteur autour de chacun des arbres et de les ajuster annuellement jusqu’à ce que les plants soient assez grands pour dépasser la zone de broutement. La deuxième est de planter les arbres parmi une forte densité de débris ligneux. 

Avec une grande fierté, M. Bouchard dit que cette deuxième technique a « donné un résultat hors du commun », mais il précise qu’il faut bien cacher les plants. Il raconte d’ailleurs la visite d’un ingénieur forestier lui ayant dit à l’époque que ses sites étaient « implantables » en raison des obstacles trop nombreux pour circuler, mais encore une fois, il est fier de dire qu’il a réussi la plantation lui-même et que celle-ci a été un succès. 
M. Bouchard croit énormément en l’importance de la biodiversité. Il considère qu’elle est un pilier majeur pour l’adaptation de nos forêts aux changements climatiques. Il souhaite que la connaissance forestière en termes de plantation de feuillus se développe davantage afin de faciliter des projets comme le sien.  

Il croit aussi que les coupes qui « rajeunissent la forêt sont un moment idéal pour incorporer de nouvelles essences ». Grâce à ses efforts, il a ajouté une douzaine d’espèces indigènes, créant ainsi une forêt potentiellement bien plus résiliente aux changements climatiques en plus de favoriser la dispersion de ces espèces dans sa localité et de contribuer à l’adaptation des forêts régionales. 
 

 


Protéger les espèces rares

Les actions de M. Bouchard pour la biodiversité ne se limitent pas à la plantation d’arbres. Il identifie les espèces présentes dans son boisé et s’attarde aux plus rares. Par exemple, l’épinette rouge est une espèce qui se raréfie dans le sud du Québec. M. Bouchard a identifié ces épinettes et prévoit les dégager en retirant les arbres adjacents progressivement. 


 

Partager sa forêt avec la faune

La présence d’une faune abondante et diversifiée est essentielle pour M. Bouchard. D’abord, il adore chasser, mais aussi il considère qu’une faune diversifiée est nécessaire à l’équilibre des écosystèmes. En tant qu’adepte de la connaissance, il a installé des caméras pour détecter la présence de cette faune. Parmi les espèces confirmées, il y a le cerf, le lièvre, le pékan et le renard. Cette année, il aimerait vérifier la présence de la martre. Il a ciblé un habitat potentiel pour elle et il envisage d’y installer un appât (une carcasse de porc) ainsi qu’une caméra.

Grâce à cette connaissance de son territoire, il peut faire des choix avisés en termes de gestion. Parmi ses actions pour la faune, il crée de petits aménagements pouvant servir d’abri à la petite faune, généralement des amas de troncs et de branches. Il laisse des souches hautes pouvant servir au tambourinage de la gélinotte. Il s’assure de maintenir une densité d’arbres de sous-étage suffisante pour répondre au besoin du lièvre en termes d’obstruction latéral (protection visuelle d’une proie contre les prédateurs). Il préserve les chicots ainsi que des arbres ayant une cavité naturelle. Et ce sont que quelques-uns de ses projets...

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