Articles printemps 2025

 

Planter l’avenir : la lutte collective pour restaurer nos milieux naturels

Frédérique Fortin, B. Sc., chargée de projets, Association forestière des deux rives

 

Face aux défis posés par les espèces exotiques envahissantes, la revégétalisation s’impose comme une solution essentielle pour la conservation des milieux naturels. En réintroduisant des espèces indigènes adaptées, il est possible de restaurer l’équilibre écologique, de stabiliser les sols et de favoriser la biodiversité. Au-delà de ces bienfaits environnementaux, ces initiatives renforcent aussi le lien entre les citoyens et leur territoire en les engageant activement dans la protection des écosystèmes.

Un envahisseur redoutable : la renouée du Japon

La présence d’espèces exotiques envahissantes dans nos écosystèmes québecois est un sujet hautement discuté et toujours d’actualité dans le domaine de la conservation des milieux naturels. À travers l’histoire, des espèces animales, mais aussi végétales se sont déplacées entre les pays, voire les continents, en suivant les déplacements humains, entre autres. Leur menace persistante soulève une question critique quant à la gestion des territoires que nous désirons protéger : sommes-nous de taille face à l’armée d’envahisseurs?

La renouée du Japon (Reynoutria japonica), une plante exotique envahissante (PEE) parmi les 100 plus préoccupantes dans le monde, n’a pas épargné le Québec. Originaire de l’Asie de l’Est, elle a d’abord été introduite en Amérique du Nord pour ses qualités ornementales et s’est rapidement imposée comme un adversaire de taille, tant en milieux urbains et agricoles, que dans les écosystèmes forestiers et riverains. Dans son arsenal, on retrouve une adaptabilité à une grande variété de milieux, une croissance rapide de ses parties aériennes et une capacité de reproduction par clonage à travers son système racinaire dense. Sa présence singulière, puis rapidement en colonies denses, rime immanquablement avec d’importantes conséquences pour la biodiversité locale en perturbant l’équilibre naturel des écosystèmes. En effet, la renouée du Japon étouffe la flore indigène et pourrait même accentuer l’érosion des sols. Bien que les recherches sur ce dernier point soient encore limitées, les observations terrain montrent que l’assèchement annuel des parties aériennes de la renouée causant la mise à nu du sol l’hiver combiné à la disparition de la végétation indigène favorise l’instabilité des berges.

 

Une approche axée sur la communauté de l’île d’Orléans

La lutte contre les PEE est un défi ardu et de longue haleine, nécessitant des actions collectives et durables. C’est dans cette optique que l’Association forestière des deux rives (AF2R) a misé sur la sensibilisation, la mobilisation et l’attachement des citoyens à leur territoire pour contrer l’expansion de la renouée du Japon à l’Île d’Orléans et restaurer certains milieux naturels.

Après deux ans de sensibilisation auprès de la communauté, incluant des rencontres porte à porte, des conférences et des ateliers éducatifs, des actions concrètes ont été menées pour restaurer des milieux dégradés. Des arrachages manuels de renouées ont été réalisés avec l’aide de bénévoles locaux, suivis de la revégétalisation de deux sites côtiers. Cette naturalisation s’est faite méthodiquement, avec la sélection d’espèces indigènes présentant des caractéristiques de croissance rapide et dense, pouvant compétitionner avec les pousses de renouée.

Le choix des espèces indigènes est stratégique. Les espèces choisies, soit le myrique baumier (Myrica gale), le saule de l’intérieur (Salix interior) et le sureau du Canada (Sambucus canadensis), sont des plantes bien adaptées aux conditions locales (sol sableux, marées, présence de glace en hiver). Elles favorisent la stabilisation du sol tout en formant, par leur croissance vigoureuse, un couvert arbustif assez dense pour limiter la repousse de l’envahisseur.

Cette approche peut être reproduite dans d’autres types de milieux, pour maximiser les chances de restauration durable après l’arrachage d’une colonie envahissante qui laisse le sol à nu.

 

 

Impliquer les jeunes, un moteur de changement

La sensibilisation des jeunes est un levier essentiel pour assurer la protection des écosystèmes à long terme. En mettant les mains dans la terre, ils développent un lien direct avec la nature et prennent conscience de leur pouvoir d’action face aux enjeux écologiques. Dans le cadre du projet, l’AF2R a organisé une activité éducative avec des élèves des écoles primaires de l’île d’Orléans. À travers un jeu ludique et éducatif, ils ont découvert les impacts de la renouée du Japon, en plus de participer directement à la plantation des végétaux indigènes. Au-delà de l’apprentissage, ces expériences développent des valeurs écologiques et des compétences sociales, en renforçant l’esprit d’équipe et le sentiment d’appartenance à la communauté.

 

Rester vigilant : assurer le succès à long terme

La restauration écologique ne se limite pas à l’arrachage et la plantation. Pour garantir des résultats durables, il faut miser sur des stratégies adaptées.

  • Planter des espèces indigènes compétitives : certaines plantes locales à croissance rapide et à enracinement profond peuvent rivaliser avec la renouée et limiter sa réapparition.

  • Assurer un suivi et un entretien régulier : une surveillance des sites restaurés est nécessaire pour détecter toute repousse et ajuster les interventions.

  • Maintenir la sensibilisation citoyenne : des conférences, des kiosques et des publications sur les réseaux sociaux permettent de maintenir l’engagement citoyen et d’encourager une participation active.

 

Un modèle à répliquer 

Les projets de revégétalisation et de lutte contre les PEE sont des exemples inspirants de coopération entre citoyens, scientifiques, organismes et autorités locales. Ils démontrent qu’avec des actions concertées et une sensibilisation accrue, il est possible de restaurer les milieux naturels et de préserver la biodiversité. La protection de l’environnement est une responsabilité collective et chaque geste compte pour faire une différence durable.

 

Remerciements

Ce projet est rendu possible grâce à la contribution du Programme Interactions communautaires (PIC) qui s’inscrit dans le cadre du Plan d’action Saint-Laurent 2011-2026, qui est mis en œuvre par Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) et le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec (MELCCFP), ainsi qu’à une contribution du Fonds d’action Saint-Laurent (FASL) via son Programme maritime pour la biodiversité du Saint-Laurent (PMB), en collaboration avec Avantage Saint-Laurent, la vision maritime du gouvernement du Québec.

L’AF2R tient à remercier chaleureusement plusieurs intervenants de la région pour leur collaboration essentielle à la mise en œuvre des actions sur le terrain : l’Agence des forêts privées de Québec 03, l’Association forestière du sud du Québec, le Comité consultatif en environnement de Saint-Pierre-de-l’Île-d’Orléans, le Conseil régional de l’environnement - région de la Capitale-Nationale, la MRC de L’Île-d’Orléans, la municipalité de Sainte-Famille-de-l’Île-d’Orléans, la municipalité de Saint-Laurent-de-l’Île-d’Orléans, le Syndicat des propriétaires forestiers de la région de Québec (SPFRQ), l’Union des producteurs agricoles de l’île d’Orléans (UPA Île d’Orléans), l’Université Laval et le Village de Sainte-Pétronille.

 


EN SAVOIR PLUS ET PASSER À L’ACTION

Consultez les livres de Claude Lavoie : 50 plantes envahissantes : protéger la nature et l’agriculture ET 40 autres plantes envahissantes.

Participez à des initiatives locales : joignez-vous aux activités d’arrachage et de plantation organisées par l’AF2R et d’autres organismes environnementaux.

Signalez la renouée du Japon : utilisez la plateforme Sentinelle OU l’outil iNaturalist pour contribuer au suivi des espèces envahissantes.

Contactez-nous pour en savoir plus et vous impliquer :

af2r.org • conservation@af2r.org

 

 

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