Le charançon du pin blanc : distinguer et limiter les dommages de l’espèce
Mélanie Bergeron, biol., M. Sc., avec la collaboration de Guillaume Otis Prud’homme, biol., ing. f., M. Sc., Ministère des ressources naturelles et des forêts, Clémentine Pernot, biol., Ministère des ressources naturelles et des forêts, Daniel Dumais, B. Sc. A., M. Sc., Ministère des ressources naturelles et des forêts, Pierre Therrien, biol., Ministère des ressources naturelles et des forêts, Christian Hébert, biol. ,PH. D., Centre de foresterie des Laurentides du Service canadien des forêts et Nicolas Bédard, biol., Centre de foresterie des Laurentides du Service canadien des forêts.
Il en existe un peu plus de 74 000 espèces de charançons sur la planète. Quelques-unes s’attaquent aux pins du Québec et l’une d’elles exige une plus grande attention de notre part. Il s’agit du charançon du pin blanc. Découvrez-en plus sur cette espèce et sur les stratégies disponibles pour limiter les dommages aux pins.
Le Charançon du pin blanc
Le charançon du pin blanc (Pissodes strobi Peck) est un insecte indigène au Québec (photo d’en-tête) très répandu depuis l’ère des plantations en raison des conditions chaudes et ouvertes qui lui sont favorables. Avant cette ère, le charançon avait un impact mineur sur les pins et celui-ci se restreignait principalement aux arbres de bordure de forêt. Aujourd’hui, nos pratiques forestières ont favorisé le développement de ce ravageur.
Le charançon du pin blanc s’attaque principalement aux flèches apicales des jeunes pins et épinettes qui se développent en pleine lumière. Les adultes pondent des œufs très tôt au printemps, avant le débourrement des arbres, et ce, directement sous le bourgeon apical, dans de petits trous qu’ils ont préalablement creusés pour s’alimenter. Les larves éclosent après une dizaine de jours et consomment l’intérieur de la flèche apicale de l’année précédente, ce qui provoque la mort de cette pousse et de celle en cours de croissance. Les conséquences sont :
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Mortalité possible chez les arbres de moins de 50 cm de hauteur;
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Perte de deux années de croissance en hauteur;
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Production de plusieurs flèches apicales causant une déformation de la tige principale et une perte de valeur du bois;
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Augmentation de la sensibilité aux maladies, surtout à la pourriture de cœur.
Le charançon du pin blanc est particulièrement intéressé aux jeunes pins blancs ainsi qu’aux épinettes de Norvège et blanches ayant moins de 6 m de hauteur et une pousse apicale de plus de 4 mm de diamètre. On le retrouve prioritairement dans les plantations de moins de 20 ans et les milieux ouverts ainsi que sur les arbres ayant une croissance vigoureuse.
On reconnaît la présence du charançon du pin blanc à différents signes selon la période de l’année. Au printemps, de petits trous apparaissent sur la pousse terminale directement sous le bourgeon apical et de la résine peut s’écouler des trous. Entre la mi-juin et le début de juillet, la pousse annuelle se flétrit et prend une forme caractéristique, celle d’une canne de berger.
Ensuite, les aiguilles de la pousse annuelle et de celle de l’année précédente rougissent et tombent. Puis, ces pousses meurent et chutent à l’automne sous l’action du vent, des pluies fortes ou de la neige. Enfin, lors de l’année suivante, les branches du dernier verticille vivant se redressent pour tenter de reprendre la dominance apicale, créant une forme caractéristique en chandelier. Chez les épinettes, l’une de branches va généralement dominer les autres et se prolonger pour devenir un tronc unique générant une faible déformation à long terme comparativement aux pins.
Les stratégies de gestion
D’abord, il existe des stratégies permettant de limiter les risques et les dommages du charançon par une bonne planification de votre plantation.
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Régénérer le pin en sous-couvert (50 % d’ombre) permet à celui-ci de profiter de conditions moins favorables au charançon. Le couvert dominant peut être retiré progressivement une fois les pins bien établis.
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Faire des plantations mixtes d’épinettes de Norvège et de pins blancs contribue à protéger le pin blanc, car le charançon préfère l’épinette de Norvège et les attaques ont un impact plus sévère sur la qualité du bois des pins que sur celle des épinettes. À noter : cette recommandation n’a pas été testée avec les épinettes de Norvège produites dans le cadre du programme d’amélioration génétique du ministère qui sont plus résistantes au charançon. L’effet protecteur des plantations mixtes sur les pins blancs pourrait être différent avec ces épinettes spécifiquement.
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Planter sur des sites ayant un bon drainage et offrant assez de nutriments pour maintenir une bonne vigueur des arbres limite les dommages.
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Planter les arbres à forte densité (2 m x 2 m) permet lors des éclaircies éventuelles de couper les arbres fortement affectés par le charançon. La plantation de pins blancs à forte densité est aussi recommandée dans les zones à risque de rouille vésiculeuse (maladie non abordée dans cet article) à condition que les arbres soient élagués systématiquement.
Ensuite, il existe des stratégies de lutte pour limiter au maximum les populations de charançons et leurs dommages. Pour ce faire, il faut préalablement surveiller les plantations dès que les arbres atteignent 1 m de hauteur afin d’y détecter les signes de présence de l’insecte. Puis, il faut couper et brûler les pousses infestées selon la méthode présentée dans l’encart. Sinon, il est possible d’utiliser des insecticides sur les adultes, mais c’est complexe. Il est préférable de s’adresser à un professionnel pour cette option.
Enfin, si vous êtes prêt à assurer un suivi attentif de vos plantations, les pins offrent un excellent potentiel. Sinon, il est préférable d’utiliser une espèce non vulnérable au charançon du pin blanc.
Combiner la taille phytosanitaire avec une taille de formation
Couper les flèches apicales infestées permet de limiter la multiplication des charançons et de limiter les dommages globaux à la plantation. Par contre, des dégâts individuels aux arbres infestés ont déjà été causés à ce stade. On peut minimiser les effets de ces dégâts en bonifiant notre procédé de taille. Au lieu de se limiter à couper les flèches apicales infestées, on peut tailler des pousses additionnelles pour conditionner l’arbre à développer un fût droit et unique. Pour ce faire, on coupe toutes les pousses latérales du dernier verticille sauf une. On maintient une branche latérale dont le diamètre est égal ou inférieur à la moyenne des branches du verticille. La pousse conservée ne doit pas être trop grosse (moins de 3 cm) pour que la difformité due au redressement de la pousse se corrige rapidement.
L’importance d’intervenir tôt et de répéter l’opération
Les premières attaques ne touchent qu’un nombre restreint d’arbres, mais les populations de charançons du pin blanc se multiplient vite. Les adultes peuvent vivre deux à trois ans, parfois quatre. Ils se reproduisent une fois par année et les femelles peuvent pondent jusqu’à 100 œufs.
La taille des pousses infestées est une stratégie de lutte efficace, lorsqu’effectuée au bon moment, mais elle n’atteint que les larves. Comme les adultes survivent quelques années, il faut répéter l’opération tant qu’ils sont présents. Des études démontrent néanmoins que la charge de travail est moindre lors de tailles successives. En fait, intervenir tôt et répéter l’opération annuellement permet de maintenir le seuil d’infestation sous les 3 % selon une étude réalisée sur l’épinette de Norvège (Figure 1).
Si on laisse l’infestation progresser et atteindre un taux de 10 % d’arbres touchés, la taille devient alors contre-indiquée considérant les coûts du traitement (temps et/ou argent) et les risques de réenvahissement des charançons.
Favoriser les ennemis naturels
Des larves prédatrices se trouvent souvent à l’intérieur des pousses en compagnie des larves du charançon du pin blanc. En coupant et brûlant les flèches des arbres atteints, on élimine de nombreux prédateurs qui pourraient aider à contrôler les charançons lors des années subséquentes.
Il existe une solution. Au lieu de brûler les pousses affectées, on les place immédiatement dans un sac épais, exempt de trou et double épaisseur. On le ferme hermétiquement et on le suspend à un arbre jusqu’au printemps suivant de sorte qu’il soit hors de la neige tout l’hiver.
Le sac doit être parfaitement hermétique pour empêcher les charançons de sortir. Ceux-ci vont mourir aux rigueurs de l’hiver alors que les prédateurs vont survivre. Au printemps suivant, on ouvre le sac et on disperse les pousses dans la plantation en les déposant sur les branches à mi-hauteur des arbres. Les prédateurs adultes vont émerger des pousses et faire leur œuvre.