Articles printemps 2025

 

Le boisé Ascot-Lennox et le territoire ancestral des Abénakis - rencontre avec deux gardiens du Ndakina

Silvie Bernier, membre du Comité culture W8banaki de l’Association pour le boisé Ascot-Lennox

 

Kchi nikitawtegwak signifie « grandes fourches ». C’est le nom donné par les Abénakis au territoire de Sherbrooke en référence à la croisée des rivières Magog et St-François, là où la ville a pris naissance au début du XIXe siècle. Avant l’arrivée des colons anglais du Vermont, ces terres faisaient partie du Ndakina, territoire ancestral des Abénakis (W8banakiak) qui couvre la rive sud du Saint-Laurent, de la rivière Richelieu à la rivière Etchemin, ainsi que le Vermont, le New Hampshire et le Maine. 

Yves Landry de W8linak et Isaak Lachapelle-Gill d’Odanak sont gardiens du Ndakina. Le 18 novembre dernier, sur invitation de l’Association pour le boisé Ascot-Lennox (ABAL), ils ont parlé aux citoyen(nes) de la relation des W8banakiak au territoire. Cette vaste étendue de forêts, à la frontière des colonies françaises et anglaises, a été déboisée aux XVIIIe et XIXe siècles pour être transformée en terres agricoles. La nouvelle occupation du territoire a eu pour conséquence de priver les W8banakiak des ressources nécessaires pour se loger, se nourrir et se soigner. 

Malgré tout, le Grand Conseil de la Nation W8banaki (aujourd’hui simplement W8banaki) continue de veiller sur le territoire ancestral. Son bras administratif, le Bureau du Ndakina, a pour mission de favoriser la pérennité des savoirs et des pratiques des W8banakiak. Son équipe de gardiens du territoire, supporté depuis 2021 par Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), est là pour surveiller et protéger le territoire du Ndakina ayant une valeur culturelle et écologique pour la communauté. 

D’entrée de jeu, Yves Landry illustre cette relation par une équation : territoire = identité. Toute la culture traditionnelle W8banaki est indissociable des milieux naturels : faune, flore, lacs et rivières. Le territoire fournit le gibier, le poisson, les baies comestibles et les plantes médicinales. Les rivières sont les routes qui leur permettent de parcourir le territoire selon les saisons. Le frêne noir et le foin d’odeur, mais aussi le bouleau et le cèdre (thuya occidental), sont les matériaux premiers de leur artisanat. Même si leurs pratiques se sont transformées avec le temps, les W8banakiak continuent de pratiquer la chasse et la pêche communautaires. De jeunes artistes réinventent la vannerie tout en demeurant attachés aux matériaux, aux images et aux symboles de la Nation. 

Ainsi le territoire demeure au centre de l’identité des W8banakiak. Mais qu’est-ce que cela signifie aujourd’hui? Comment le Bureau du Ndakina et les gardiens du territoire réussissent-ils à maintenir le lien de la Nation avec son territoire ancestral largement privatisé?

Les gardiens du Ndakina sont avant tout des acteurs de terrain, nous précise Isaak Lachapelle-Gill. Ils veillent à ce que les terres et les eaux soient gérées de façon à garantir la pratique continue et la revitalisation des activités traditionnelles, comme la chasse, la pêche et le piégeage. Ils assurent la préservation des sites archéologiques et funéraires en collaboration avec l’équipe d’archéologues du Ndakina. Ils négocient des ententes avec des organisations externes pour avoir accès au territoire en échange de sa surveillance. Par exemple, la Nation et la compagnie forestière Domtar ont conclu une entente permettant aux membres de la Nation d’accéder à certaines terres de l’entreprise situées sur le Ndakina afin d’y préserver et perpétuer leurs pratiques culturelles.

C’est dans cet esprit que l’ABAL et le Bureau du Ndakina ont amorcé une collaboration autour du projet de conservation du boisé Ascot-Lennox. Les membres de l’Association citoyenne souhaitent se sensibiliser aux enjeux et à la réalité de la Nation W8banaki et en apprendre davantage sur les savoirs traditionnels notamment en matière de protection du territoire. En retour, la Nation W8banaki manifeste un intérêt pour une démarche innovante initiée par l’ABAL : faire du boisé Ascot-Lennox un endroit protégé à perpétuité grâce à une fiducie d’utilité sociale. Cette vision collective de la gestion du territoire rejoint les valeurs de la Nation W8banaki. 
Au début de 2024, l’ABAL a créé le Comité culture W8banaki auquel siège Isaak Lachapelle-Gill en plus de trois membres allochtones. La mission du comité est précisément de créer des ponts entre les communautés et d’intégrer les valeurs et les enjeux de la Nation W8banaki dans la conservation du boisé Ascot-Lennox. La conférence d’Yves Landry et Isaak Lachapelle-Gill marquait le lancement des activités publiques du Comité culture W8banaki. D’autres activités de sensibilisation sont à venir. 

 

 


En savoir plus

Pour demeurer à l’affût des activités de l’ALBAL :

www.boiseascotlennox.org   •   www.facebook.com/groups/337169204378739

Pour en connaître davantage sur la Nation W8banaki et le Bureau du Ndakina : 

gcnwa.com/bureau-du-ndakina

 

 

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