80 ans de l’AFSQ
Mélanie Bergeron, biol., M. Sc., Association forestière du sud du Québec
Le 9 novembre 2025 marquera un jalon important pour l’Association forestière du sud du Québec (AFSQ). Fondée en 1945, l’organisation célèbre cette année son 80e anniversaire. Huit décennies d’actions, de projets éducatifs et de mobilisation citoyenne au service d’une cause qui n’a jamais perdu de sa pertinence : protéger, valoriser et mieux faire connaître la forêt et ses multiples richesses.
Les débuts d’un mouvement régional
L’histoire de l’AFSQ s’enracine dans un contexte où la forêt privée du sud du Québec, largement récoltée ou défrichée pour l’agriculture, subissait une pression intense. En février 1943, une rencontre à l’Hôtel New Sherbrooke, dirigée par l’ingénieur forestier René Gobeil, posa les premières bases de ce qui allait devenir l’Association forestière des Cantons-de-l’Est. Officiellement fondée le 9 novembre 1945, l’organisation adopta dès ses débuts une mission claire : intéresser toutes les classes de la société (cultivateurs, ouvriers, industriels, chasseurs, pêcheurs et professionnels) à la conservation et au reboisement.
À l’époque, la première priorité était limpide : « Reboisons dans la région ». C’est avec ce message que le premier congrès, tenu en octobre 1946 à Victoriaville, attira 200 personnes, dont tous les députés des 17 comtés couverts par l’organisme. On y percevait déjà l’enthousiasme qui allait marquer les décennies à venir ainsi que le début d’une action collective en faveur de la forêt.
Reboiser, éduquer, mobiliser
Durant ses premières décennies, l’Association s’est illustrée par une série d’initiatives innovantes. Des concours de terres à bois, des journées forestières, des conférences radiophoniques et des soirées publiques faisaient partie de son arsenal de sensibilisation. On allait même jusqu’à organiser des cérémonies annuelles de plantation d’arbres, accompagnées de fanfares, de discours et du traditionnel « Ô Canada ».
À l’époque, on ne parlait pas de sensibilisation, bien que cela en était, mais plutôt de « propagande ».
Dès les années 1950, l’AFSQ est à l’origine du mouvement local des fermes forestières, une initiative qui visait à reconnaître et encourager les propriétaires de boisés investis dans une saine gestion forestière. Le premier certificat fut remis en 1953 à la Canada Paper Company (aujourd’hui Domtar), pour un territoire de 34 000 acres. Le mouvement prit rapidement de l’ampleur : dans les années 1960, on comptait déjà plus de 65 fermes forestières qualifiées.
L’éducation, notamment auprès des jeunes, s’est imposée comme un autre pilier de l’Association. Dans les années 1970, excursions en plein air, ateliers d’identification des arbres et concours scolaires invitaient les étudiants à considérer l’arbre comme un allié. En 1978, pas moins de 3 500 jeunes participaient à ces activités.
Un magazine comme porte-voix
En 1957, l’Association a lancé son propre magazine, le Progrès Forestier, qui demeure encore aujourd’hui une référence. Initialement publié deux fois par année, il est rapidement passé à quatre éditions annuelles, signe de l’intérêt croissant pour les sujets liés à la foresterie. On y retrouve des chroniques techniques, mais aussi des rubriques qui témoignent d’une autre époque, comme une « chronique féminine » (active jusqu’en 1969) ou encore des conseils physiques pour les travailleurs forestiers.
Le Progrès Forestier s’est modernisé au fil du temps, adoptant l’impression couleur en 1972 et la mise en page informatisée dans les années 1990. Mais sa mission est demeurée constante : informer, sensibiliser et inspirer les passionnés de la forêt.
Un territoire en évolution
L’histoire de l’Association est aussi celle de son territoire. À sa fondation, elle couvrait 17 comtés des Cantons-de-l’Est, territoire mieux connu aujourd’hui comme appartenant à l’Estrie, la Montérégie-Est, le Centre-du-Québec et le sud de Chaudière-Appalaches. En 2013, pour mieux refléter la réalité de son action, l’Association a changé de nom pour devenir l’Association forestière du sud du Québec. Puis, en 2023, un agrandissement majeur a intégré l’ensemble de la Montérégie. En 80 ans d’histoire, l’AFSQ a passé d’une population desservie de 600 000 habitants à plus de deux millions de personnes.
Des distributions d'arbres à grande échelle
Chaque mois de mai, l’AFSQ s’associe au Mois de l’arbre et des forêts, une tradition centenaire au Québec. Depuis une vingtaine d’années, elle assure la distribution annuelle d’environ 100 000 jeunes arbres au grand public par l’intermédiaire des municipalités, écoles et organismes de conservation. Cette initiative s’inscrit dans la continuité d’efforts amorcés dès les années 1980, lorsque l’Association exploitait même une pépinière à Windsor.
Des femmes et des hommes engagés
Si l’AFSQ a pu traverser huit décennies, c’est grâce à l’engagement indéfectible de ses dirigeants, employés, membres et partenaires. Seulement, trois directeurs généraux se sont succédé en 80 ans, un signe de stabilité rare :
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Lucien Bédard, premier gérant en 1945, est resté en poste jusqu’en 1986, soit 41 ans d’engagement continu;
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Daniel Archambault a pris le relais de 1986 à 2014, marquant l’informatisation de l’organisme et l’ouverture à de nouvelles formes de communication;
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Amélie Normand, en poste depuis 2015, incarne aujourd’hui la diversification des services et la poursuite des valeurs fondatrices.
À ces figures s’ajoutent 34 présidents, des centaines de bénévoles, des milliers de membres individuels et corporatifs, sans oublier les nombreux souscripteurs institutionnels et privés.
Des faits marquants parfois oubliés
L’histoire de l’AFSQ regorge d’anecdotes qui font sourire. Saviez-vous que les premiers congrès incluaient des toasts à « la santé du pape » et « à la santé du roi »? Que le congrès a longtemps été suivi d’une soirée dansante ou d’activités récréatives comme des casinos et des spectacles? Ces traditions, aujourd’hui disparues, témoignent de la convivialité et de l’esprit rassembleur de l’Association.
Autre souvenir du passé : dans les premières années, il était plus facile d’obtenir du financement des industriels anglophones que des Canadiens français. L’un d’eux aurait même déclaré : « Show us results and we will give you money. » À quoi le représentant de l’Association répondit : « Give us money and we will show you results. » Une formule gagnante qui permit d’obtenir un précieux appui.
Un 80e anniversaire sous le signe de la reconnaissance
En novembre 2025, l’AFSQ célébrera officiellement ses 80 ans d’existence. Ce sera l’occasion de saluer la résilience d’une organisation qui a su traverser les époques, évoluer avec son temps et demeurer pertinente.
Cet anniversaire appartient autant aux fondateurs visionnaires qu’aux générations actuelles et futures. Sans l’appui des municipalités, des MRC, des entreprises, des institutions et surtout des citoyens passionnés par la forêt, l’Association n’aurait pu accomplir sa mission.


