Vous avez une érablière, utilisée pour la production de sirop ou non, et vous désirez maintenir ou augmenter la vigueur de vos érables? Cette fiche d’informations peut certainement vous aider!
Pourquoi l’érable ne peut pas vivre seul?
L’érable à sucre possède des feuilles très acides comparativement aux autres feuillus durs. En fait, l’acidité des feuilles d’érable est d’environ 4 sur une échelle de pH, ce qui se compare à celle des aiguilles du pin blanc.
Comme l’érable a une préférence pour les sols dont le pH se situe entre 5,0 et 7,3, soit 10 à 1 000 fois moins acides que la litière produite par ses feuilles, il a besoin de substances externes pour contrecarrer cette acidité. Ces substances proviennent naturellement de la décomposition des feuilles des autres espèces d’arbres. Parmi les arbres québécois, ce sont le tilleul, le noyer cendré, les peupliers et le frêne d’Amérique (aussi appelé frêne blanc) qui ont le plus grand pouvoir d’atténuer l’acidité de l’érable.
Les feuilles d’érable contiennent aussi peu d’azote et de nutriments. En conséquence, elles se décomposent lentement et le cycle des nutriments qui alimentent les arbres est lent. En plus, les feuilles d’érable contiennent une concentration élevée en tannins, ce qui ralentit d’autant plus le retour des nutriments dans le sol.
Acidité de la litière de 15 espèces feuillues du sud du Québec
Les espèces compagnes
Une espèce compagne est un arbre qui pousse naturellement dans les érablières, qui a un effet bénéfique sur l’érable à sucre ou son écosystème et qui a un minimum d’effets négatifs sur les érables. On suggère de conserver de 15 à 20 % de la surface terrière¹ en essences compagnes. De plus, les arbres conservés doivent être répartis dans chacune des classes d’âge.
Qualités recherchées
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Feuilles riches en nutriments, faiblement acides, facilement décomposables et contenant peu de tannins ou de substances allopathiques
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Système racinaire ayant une profondeur différente de celui des érables pour minimiser la compétition envers les nutriments
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Cime moins élevée ou moins étalée que l’érable pour minimiser la compétition pour la lumière
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Arbre créant de l’ombrage au sol le plus longtemps possible pour aider à maintenir les sols frais
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Arbre contribuant à l’apport en azote par des feuilles riches et facilement décomposables ou en étant en association avec des mycorhizes fixatrices d’azote tels le févier, l’aulne rugueux ou crispé
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Arbre peu sensible aux insectes et maladies
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Arbre résistant ou résilient aux perturbations
Comparaison des principales espèces compagnes
Espèces moins désirables
Les conifères sont des arbres peu intéressants pour accompagner les érables à sucre dans un contexte de production acéricole. Leur litière étant plus acide que les feuilles d’érable, les conifères peuvent accélérer le processus d’acidification du sol. De plus, ils maintiennent le froid au sol, ce qui retarde le dégel de la tubulure de quelques heures.
La longévité des arbres est un autre facteur de sélection pour les espèces compagnes. Une espèce comme le bouleau blanc procure plusieurs avantages aux érables, telles les espèces citées plus haut. Par contre, sa faible longévité en fera un allier de court terme. De plus, la dégradation rapide des espèces peu longévives par les champignons augmente les risques de chutes d’arbres sur la tubulure.
Favoriser la diversité
La diversité d’une forêt est un avantage pour sa résistance et sa résilience face aux perturbations. C’est pourquoi il peut être avantageux de conserver quelques individus d’espèces moins désirables. On peut aussi préserver certaines espèces pour leur rareté comme le chêne rouge. Ce dernier est intéressant pour la faune, mais sa forme en parasol fait de lui un bon compétiteur pour la lumière.
Arbrisseaux et arbustes
Les végétaux de petites tailles font d’excellents compagnons, car ils ne compétitionnent pas avec l’érable pour la lumière. De plus, plusieurs forment des associations avec des champignons fixateurs d’azote, ce qui enrichit le sol. Voici quelques exemples de bons compagnons :
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Cornouiller à feuilles alternes
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Charme de Caroline
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Ostryer de Virginie
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Petits cerisiers
Un choix limité en espèce
Le nombre d’espèces compagnes différentes dans une érablière est parfois limité. Tout comme l’érable, les autres feuillus sont adaptés à croître dans des environnements précis. La présence d’une espèce dans un secteur dépend des caractéristiques de cet endroit, mais aussi des autres facteurs que nous verrons plus bas. Parmi les caractéristiques du site, quatre sont particulièrement importantes. La tolérance à l’ombre déterminera si un arbre peut survivre et croître dans un endroit. S’il y a plus de lumière que le niveau idéal de l’arbre, ce n’est pas un problème directement pour la santé de l’arbre.
Par contre, des espèces dites de lumière seront plus compétitives et accapareront l’espace avant les espèces tolérantes. La texture, l’humidité et le drainage du sol sont trois caractéristiques interreliées. Elles ont une grande influence sur la disponibilité en éléments nutritifs et en eau. Le tableau suivant présente les préférences et les zones de tolérance de l’érable à sucre et de ces principales espèces compagnes.
Autres facteurs de présence d’une espèce
Historique d’aménagement
L’utilisation passée influence beaucoup la présence des espèces. Plus un site présente un environnement forestier depuis une longue période, plus il risque de comporter une variété d’espèces et une grande représentativité d’espèces tolérantes à l’ombre. À l’opposé, une jeune forêt est composée davantage d’espèces pionnières nécessitant beaucoup de lumière.
Dispersion des semences
Pour qu’une espèce soit présente dans une forêt, des semences de cette dernière doivent se trouver dans le sol ou cet arbre doit avoir été introduit artificiellement par l’Homme. De façon naturelle, chaque espèce possède un rayon moyen de dispersion annuel. Des semences dispersées par le vent, comme celles du bouleau jaune, parcourent une plus grande distance que des semences plus lourdes dispersées par la gravité, l’eau ou les animaux.
Acidité du sol
On dit de l’érable à sucre qu’il peut tolérer des sols ayant un pH situé entre 3,5 et 7,3. Par contre, son environnement idéal se situe plutôt entre un pH de 5,0 et de 7,3. Ce gradient d’acidité toléré par l’érable est très similaire à celui des espèces compagnes. Trois espèces se distinguent néanmoins. Les caryers et les noyers cendrés ne tolèrent pas de sols en dessous de 5,0. Ensuite, on remarque que le hêtre à grandes feuilles a une préférence pour des sols dont le pH se situe entre 4,0 et 6,0.
Exemples de cas
Hêtre à grandes feuilles
L’érable à sucre est une espèce très compétitive lorsqu’elle se retrouve dans son environnement idéal : sols riches, frais, texture moyennement à légèrement grossière, pH neutre à légèrement acide (5,0 à 7,3). Par contre, plus les caractéristiques de l’environnement s’éloignent de l’optimum de l’érable à sucre, plus il est susceptible de se faire surclasser par d’autres espèces. Par exemple, le hêtre à grandes feuilles sera avantagé dans des sols moins riches ou plus acides. Le hêtre est une espèce mal-aimée des acériculteurs. Par contre, ce ne devrait pas être le cas. D’abord, le hêtre fait partie des espèces compagnes qui limitent l’acidification des sols. Ensuite, cet arbre est de type opportuniste. C’est-à-dire qu’il utilise les espaces moins intéressants pour les autres. Une présence marquée de hêtres signifie donc que l’érable a de la difficulté à se développer. Le hêtre étant moins exigeant, il prend sa place.
Caryer cordiforme
Le caryer est une espèce plutôt exigeante en termes de température, de fertilité, de bon drainage, etc. En plus, il se disperse sur une courte distance, environ 50 m. Pour ces raisons, on le retrouve principalement en Montérégie. Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas la capacité de pousser dans les autres régions du sud du Québec, d’autant plus que le réchauffement climatique agrandit au nord les zones propices aux espèces.
Aménagement acérico-forestier: les grands principes
L’aménagement acérico-forestier est similaire au jardinage classique, mais en plus de récolter les arbres avec défauts en favorisant les arbres de qualité et la régénération, ce type d’aménagement vise à améliorer le potentiel acéricole. Il répond aussi à certains besoins spécifiques de l’acériculture comme la préparation du site pour l’installation de la tubulure. Pour ce faire, plusieurs principes doivent être respectés.
Maintenir la structure naturelle
Naturellement, les érables se retrouvent généralement à l’intérieur de peuplement inéquien, c’est-à-dire des forêts comprenant des arbres de plusieurs classes d’âge et de hauteur. De plus, les érables ne forment pas de grandes monocultures. Ils croissent en combinaison avec d’autres espèces. Le premier critère d’un bon aménagement devrait respecter et maintenir ces deux aspects des peuplements naturels. Il faut donc des érables ainsi que des individus d’espèces autres, et ce, de tous âges et hauteurs.
Densité du peuplement
Pour une bonne production de sirop, les érables doivent être vigoureux, en santé et avoir une bonne croissance, idéalement plus de 2 mm de croissance radiale annuellement. Pour ce faire, la densité des arbres ne doit pas être trop élevée. Le cas échéant, une forte compétition s’installe dû au partage des ressources disponibles. Cette forte densité limite, voire empêche, la croissance de semis et le développement d’une régénération forte. À moyen terme, on pourrait perdre la structure inéquienne du peuplement et, à long terme, le recrutement d’érables productifs pourrait devenir un enjeu. À l’opposé, si la densité des arbres est trop faible, des espèces non désirées pourraient s’installer. De plus, une trop grande quantité de chaleur au sol brise les racines fines des érables. Normalement, on vise une surface terrière entre 20 et 24 m2 par hectare dont 15 à 20 % en espèces compagnes.
Sélection des arbres à conserver
Qu’il s’agisse d’érables ou d’espèce compagnes, on devrait garder les arbres les plus vigoureux, ayant un minimum de défauts et un maximum de chance de survie à long terme. Pour de faire, il faut :
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Observer les défauts
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Comme l’intérêt en acériculture porte davantage sur la production de sirop que la valeur du bois, un défaut comme une courbure de la tige sera insignifiant en comparaison d’un chancre.
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Considérer la hauteur du défaut
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Un défaut à la base du tronc évolue généralement plus rapidement et est, par conséquent, plus sérieux.
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Évaluer l’amplitude du défaut
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Un défaut important a généralement une taille supérieure à 30 % du diamètre de l’arbre.
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Analyser la résistance de l’arbre face au défaut
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Certains arbres sont plus résistants à la carie, tels les chênes et le cerisier tardif. L’érable à sucre, le bouleau jaune et les frênes le sont moyennement, alors que le tilleul d’Amérique, le bouleau à papier, le hêtre à grandes feuilles, l’érable rouge et les peupliers y sont vulnérables.
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La récolte
Le taux de prélèvement est particulièrement important en aménagement acérico-forestier. Généralement, on récolte entre 15 et 20 % de la surface terrière, en visant préférentiellement 20 %, et ce, selon un cycle de 15 ans environ. Pour les érablières utilisant de la tubulure, l’idéal est de faire coïncider cette récolte avec le remplacement des tubes.
Il ne faut pas avoir peur de récolter un érable en déclin. Sa productivité en sirop est probablement faible en comparaison avec l’investissement en temps qu’il exige. De plus, il nuit possiblement à la croissance d’érables ou de futurs érables productifs et vigoureux.
La livrée des forêts
La livrée est un insecte présent naturellement au Québec. Les chenilles mangent préférentiellement les feuilles de peuplier, mais en situation d’infestation (au 10 à 12 ans), l’érable à sucre est grandement visé par la livrée. Pour réduire l’intensité des dommages aux érables, maintenir des espèces compagnes est une bonne solution, car une plus faible concentration d’espèces préférentielles de livrée rend l’érablière moins attractive. D’ailleurs, l’érable rouge n’est d’aucun intérêt pour la livrée. Il peut être conservé pour son effet protecteur et son sirop.