La gestion des forêts privées a beaucoup changé avec le temps. Jadis, les gens s’appropriaient des lots forestiers avec l’intention principale de les exploiter pour les produits ligneux afin d’en ressortir un bénéfice avec la vente de bois. Avec les années, les vocations des terres privées ont changé et surtout, elles se sont diversifiées.
Bien sûr, l’exploitation des produits ligneux demeure une activité économique importante pour un propriétaire de terre à bois et peut-être encore la principale. Mais, de plus en plus de propriétaires profitent de leur terre à bois pour les activités récréatives qu’elle offre. Beaucoup de gens avec des emplois en ville acquièrent une terre à bois pour la marche en forêt, l’observation d’oiseaux, la photographie, ou simplement pour le repos au camp dans un endroit paisible. D’autres ajouteront à cela des activités de récolte de la faune (chasse, pié- geage) et de produits non ligneux (plantes, champignons). Le résultat final est que la « valeur » d’une terre à bois s’évalue maintenant de façon plus complexe que le simple volume de bois récoltable. Cette tendance se reflète d’ailleurs sur le marché, alors que certaines terres à fort potentiel faunique se vendent à des prix plus élevés que d’autres terres qui peuvent avoir plus de bois, mais moins de potentiel pour la faune. Il est donc normal que de plus en plus de propriétaires considèrent la faune dans le plan de gestion de leur terre.
Quand on pense faune, on pense bien sûr aux espèces de gibiers populaires comme le cerf de Virginie et l’orignal, mais aussi aux petits gibiers comme le lièvre d’Amérique et la gélinotte huppée. Mais un environ- nement forestier de qualité aura aussi son lot d’espèces moins « désirables », un mot qui se définit seulement avec vos intentions! Le meilleur exemple est le castor. Une terre avec un cours d’eau aura un jour la visite de castors. Dépendant de l’endroit où elle s’installe et de la vocation primaire de la terre, une colonie de castors peut être une réelle merveille à observer ou un cauchemar à gérer (inondation de plantations ou blocage de ponceaux). D’autres espèces comme le coyote n’auront pas d’effet sur la végétation et l’habitat, mais pourront affecter le potentiel de chasse et donc affecter le plaisir qu’en retire son utilisateur. Alors, même si on achète d’abord une terre pour le bois, la nature fera qu’éventuellement on devra aussi considérer la faune dans notre « plan d’aménagement ».
Étant biologiste de métier depuis plus de 30 ans, je dis souvent que tous les propriétaires forestiers devraient soit devenir trappeurs eux-mêmes, soit au moins avoir dans leurs amis un trappeur! En effet, la saine gestion faunique des forêts privées exige souvent une intervention humaine pour le contrôle de certaines espèces qui peuvent s’avérer nuisibles ou indésirables. L’exemple des castors en est un bon. Le castor est une espèce à forte valeur pour de multiples usages. Sa fourrure est soyeuse lorsque récoltée en saison, sa viande est exquise et ses glandes ont une bonne valeur commerciale actuellement. Les castors vont aussi créer des milieux humides et ce point peut être désirable pour le chasseur de canards, de bécasses ou de bécassines. Ils ont donc une forte valeur écologique, mais tout dépend évidemment d’où ils s’installent! Si leur domicile a été érigé après qu’ils aient bloqué le ponceau sur votre chemin principal, la menace est plus grande que le bénéfice!
Votre plan de gestion faunique doit donc être fait en fonction de vos valeurs individuelles. Cer- tains propriétaires accepteront le risque et le coût engendré par des castors, d’autres n’auront pas autant de tolérance. Mais peu importe où vous en êtes dans cette réflexion, un jour il faudra faire la gestion et le piégeage deviendra votre outil principal.
Le piégeage est une activité bien réglementée au Québec. Il faut suivre un cours obligatoire, soit le cours PGAF qui signifie « piégeage et gestion des animaux à fourrure » et qui est offert par la Fédération des Trappeurs Gestionnaires du Québec. Il faut ensuite se procurer un permis de piégeage annuellement. Il faut aussi bien connaître les lois et règlements, et exercer l’activité pendant les saisons légales (pour la plupart des espèces en automne). C’est d’ailleurs en automne que les trappeurs sont les plus actifs et qu’on les croise sur le territoire. En automne, le trappeur opère pour la fourrure qui a une valeur commerciale. Le prix des fourrures n’est pas très élevé depuis quelques années, mais le trappeur en retire un petit profit et une grande satisfaction! Un trappeur actif en automne fait son activité principalement par passion, mais il a besoin d’accéder à des terres giboyeuses pour avoir du succès. C’est là que le partenariat avec le propriétaire terrien devient bénéfique pour les deux partis.
La présence d’un trappeur de façon saisonnière peut donc permettre au propriétaire non seule- ment d’améliorer la gestion de la faune qui est présente sur son terrain, mais aussi de l’aider dans la gestion de sa forêt. La bonne nouvelle pour le propriétaire, c’est que le trappeur ne coute rien et qu’il se rémunère habituellement avec la fourrure des animaux capturés. En revanche, lorsqu’un propriétaire doit appeler un trappeur en dehors de la saison de piégeage, le trappeur doit être dédommagé financièrement puisqu’il ne retire aucun bénéfice de la capture des animaux nuisibles. De plus, les lois et règlements doivent être respectés et comme le trappeur répond à une urgence, il est normal que celui-ci demande d’être récompensé pour son temps et ses efforts. J’encourage donc les propriétaires terriens à permettre aux trappeurs d’effectuer leurs activités de piégeage en automne lorsque la fourrure est au maximum de sa valeur. Le fait de trapper à l’automne ne signifie pas qu’il n’y aura jamais de problèmes fauniques, mais cela empêchera les populations d’animaux présents de devenir trop abondantes et hors de contrôle. Pour un propriétaire qui chasse et qui loue sa terre pour la chasse, le contrôle des coyotes sur son terrain est une valeur ajoutée.
Dans mes formations de piégeage privées, les principaux intéressés sont la plupart du temps des propriétaires de terre à bois ou des chasseurs qui désirent participer à la gestion active des meutes de coyotes sur leur territoire de chasse. Bien sûr, le piégeage est une discipline en soi et on ne devient pas trappeur du jour au lendemain. Il faudra apprendre comment capturer les animaux qu’on désire attraper avec efficacité. Un trappeur débutant a donc trois choix, soit d’apprendre avec le temps et l’expérience, soit de solliciter l’aide d’un mentor, soit de suivre des cours privés qui permettront d’augmenter rapidement son efficacité. Bien sûr, tous les propriétaires de terre à bois ne désirent pas devenir trappeurs et souvent il est plus simple de contacter un trappeur que l’on connaît afin de l’inviter à venir effectuer son travail sur notre lot. C’est dans cette optique qu’on peut reconnaître que le trappeur est un outil de gestion important pour les propriétaires terriens. La bonne nouvelle est qu’un trappeur actif sur un lot à bois diminuera les conflits avec les espèces nuisibles et indésirables, et aidera à garder la forêt et la faune plus saine, et ce, dans un contexte durable, au grand bonheur de son propriétaire qui pourra ainsi augmenter la valeur récréative de sa terre à bois!
EN SAVOIR PLUS
Pour tous les détails concernant le cours PGAF, rendez-vous au www.ftgq.qc.ca.